grand panorama de saint malo

Saint-Malo Le grand rassemblement de la Rance

Lieux de mémoire acadiens :

Saint-Malo et villages de l’estuaire de la Rance.

Château de Quincoubre, Pleudihen.

Ouverte sur la Manche et l’Atlantique, fière de son passé corsaire et terre-neuvier, Saint-Malo est également la ville natale de Jacques Cartier, le découvreur du Canada, et affiche aujourd’hui sa proximité avec le Québec. Derrière les remparts de Saint-Malo, la statue de l’illustre capitaine corsaire Robert Surcouf pointant son doigt vers l’Angleterre se trouve tout près de la maison du Québec, non loin de la statue de Jacques Cartier. On sait moins qu’en septembre 1758, bien avant la naissance de Surcouf, pendant la guerre de Sept Ans, Saint-Malo a eu aussi son heure de gloire face aux Anglais. Le duc d’Aiguillon, à la tête de troupes françaises et de miliciens bretons, infligeait alors des pertes décisives aux Anglais, lors de la bataille de Saint-Cast[1]. Au même moment, en Amérique du nord, la France venait de perdre l’Île Royale et l’Île Saint-Jean, si bien que deux mois plus tard, Saint-Malo et ses villages voisins accueillaient leurs premiers réfugiés acadiens. La cité corsaire n’en a pourtant conservé aucune trace. Encore que…

la tour et la plage de solidor
La tour Solidor, qui date du 14e siècle, et derrière la tour, l’anse (port) et la plage de Solidor, à Saint-Servan (Saint-Malo), où ont probablement débarqué des réfugiés acadiens (auteur Limfjord69, licence CC BY-SA 4.0)

Les réfugiés acadiens, provenant en majorité de l’ile Saint-Jean, ont aussi débarqué dans d’autres ports de l’Atlantique et de la Manche, jusqu’en mars 1759. Mais c’est bien à Saint-Malo et dans sa région qu’un regroupement principal s’est formé de près de 1800 personnes en août 1773, soit environ 70% du nombre d’Acadiens secourus par le gouvernement. Cependant, il n’existe aujourd’hui aucune évocation directe (ni plaque ni monument commémoratifs) du séjour des Acadiens dans la région, à l’exception d’une simple plaque de rue, qui pourrait presque passer inaperçu. Cette « Rue des Acadiens » à Saint-Malo ressemble à tant d’autres dans une vieille ville presqu’entièrement reconstruite après la deuxième guerre mondiale, sans recéler la moindre trace de réfugiés acadiens. Faisons pourtant un effort de mémoire et revenons au début des années 1760.

Tous ensemble à Saint-Malo

port fluvial de dinan
Port fluvial de Dinan et pont sur la Rance, en regardant vers Saint-Malo en aval (auteur Luna04, licence CC BY-SA 3.0)

Après leur arrivée à Saint-Malo, les Acadiens se sont concentrés dans les villages de Saint-Servan (aujourd’hui un quartier de Saint-Malo), Saint-Enogat (aujourd’hui Dinard), Saint-Suliac et dans de nombreuses autres paroisses proches de Saint-Malo. En 1762, ils étaient déjà plus de 1100 et un an plus tard, ils accueillaient environ 375 de leurs compatriotes libérés des ports anglais où ils étaient retenus en résidence surveillée. Leur nombre a continué d’augmenter jusqu’aux premiers départs vers le Poitou, en août 1773. Sans doute ce grand rassemblement était-il motivé par les regroupements familiaux et la volonté des Acadiens de s’organiser en communauté pour faire valoir leurs intérêts. En 1774, ce noyau principal a pourtant migré en bloc vers le Poitou, certaines familles choisissant toutefois de rester dans la région à la faveur, parfois, d’un concours de circonstances. L’histoire du château de Quincoubre, près de Pleudihen, sur la rive droite de la Rance, est éloquente à cet égard.

En 1773, le châtelain de Quincoubre, René Bernard de Ponthaye, était très ami avec la famille de l’Acadien Basile Boudrot, installée à Pleudihen. Il appréciait particulièrement la personnalité d’Amant Boudrot, un fils de Basile âgé d’une vingtaine d’années, et voulait devenir son bienfaiteur. Quand la famille Boudrot est partie pour le Poitou puis à Nantes, il a redoublé d’effort pour faire revenir Amant à son service et parfaire son éducation. Sa patience a été récompensée quand plusieurs années plus tard, Basile a accepté son offre et ramené Amant à Pleudihen. A sa mort, en 1805, Ponthaye a légué par testament à Amant Boudrot, resté son fidèle homme de maison, son château de Quincoubre et les trois quarts de sa fortune. La famille Boudrot a conservé ses propriétés de Pleudihen jusqu’à leur vente en 1883.

Image d’en-tête : Le grand panorama de Saint-Malo. Eau forte en couleur (artiste Malo-Renault, Musée d’Histoire de la Ville et du Pays Malouin, licence CC BY-SA 4.0).

Jean-Marc Agator

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