fresque des acadiens à nantes

Nantes La Louisiane n’allait pas forcément de soi

Lieux de mémoire acadiens :

Fresque des Acadiens, rue des Acadiens, Nantes.

Eglise Saint-Martin (plaque commémorative), Nantes.

Situé à une cinquantaine de kilomètres du pont de Saint-Nazaire, dans l’estuaire de la Loire, le quai de la Fosse, l’ancien quai portuaire de Nantes, est aujourd’hui requalifié en espace de circulation et de promenade urbaines. Au 18e siècle, il concentrait l’activité commerciale transatlantique du grand port maritime de Nantes, premier port de France. Mais à cause de l’ensablement de la Loire, les grands navires ne pouvaient pas le rejoindre et jetaient l’ancre en aval, près de Paimboeuf. Chaque année, ce sont alors 4000 à 4500 gabares qui remontaient le fleuve jusqu’au quai de la Fosse. D’octobre 1775 à mars 1776, le port de Nantes a vu arriver le plus grand rassemblement de réfugiés acadiens en France (près de 1400 personnes). Après l’échec de la colonie du Poitou chère au marquis de Pérusse des Cars, les Acadiens qui ne voulaient pas rester en Poitou n’avaient pas eu le choix. Nantes était l’étape préalable à leur émigration outremer, même si la destination finale restait incertaine…

eglise saint-martin de chantenay
Eglise Saint-Martin de Chantenay, à Nantes, la plus fréquentée par les Acadiens (auteur Gwendal, licence CC BY-SA 3.0)

En réalité, le séjour des Acadiens à Nantes a duré 10 ans, jusqu’à leur départ pour la Louisiane, en 1785. Les familles ont été réparties sur plusieurs paroisses, surtout Saint-Martin à Chantenay (village maintenant rattaché à Nantes), mais aussi Saint-Similien, Saint-Nicolas et Saint-Jacques, pour ne citer que celles où on a retrouvé des actes d’état civil concernant des Acadiens. Il est cependant bien difficile de retracer la vie des Acadiens dont la majorité habitaient l’ancien quartier populaire de l’Hermitage, aux logements insalubres, proche du port de Nantes. Des familles se sont également installées à Paimboeuf, beaucoup plus en aval. Pour autant, après un si long séjour subi, la Louisiane était-elle la destination rêvée des Acadiens ? Aujourd’hui, même si Nantes honore la mémoire de ses Acadiens et leur départ pour la Louisiane, il faut bien reconnaître que cette destination n’allait pas de soi.

Un rêve de Louisiane, vraiment ?

En 1993, la ville a installé rue des Acadiens, à Chantenay, une fresque monumentale du peintre américain Robert Dafford qui rappelle le départ des Acadiens du port de Nantes pour la Louisiane en 1785. En 1996, une deuxième fresque a été inaugurée au même endroit, en mémoire de l’arrivée des premiers Acadiens en Louisiane. Il s’agit de la reproduction de l’œuvre réalisée par le même peintre au mémorial des Acadiens à Saint-Martinville, en Louisiane. Toutefois, cette vision magnifiée du destin des Acadiens cache une réalité beaucoup plus nuancée. Revenons au début des années 1780.

arrivée des acadiens en louisiane
L’arrivée des Acadiens en Louisiane par Robert Dafford (source www.acadian-cajun.com/memorial.htm)

A l’issue de la guerre d’indépendance américaine (1775-1783), la Louisiane était finalement apparue comme un compromis acceptable autant par les Acadiens que par le gouvernement. La Louisiane (occidentale) était pourtant espagnole, mais l’Espagne était un pays allié, catholique et avait accepté de prendre en charge le voyage et les frais d’établissement des Acadiens. Beaucoup d’Acadiens se montraient-ils encore méfiants, craignant qu’on les envoie en Guyane, et non en Louisiane au climat plus tempéré ? Le gouvernement avait consenti à payer aux Acadiens les arrérages (arriérés de soldes) et autorisé les femmes françaises à accompagner leurs maris acadiens. Le Nantais (non-acadien) Henri-Marie Peyroux de la Coudrenière et l’Acadien Olivier Terriot avaient aussi joué un rôle d’intermédiaire décisif pour convaincre un grand nombre de récalcitrants.

De mai à octobre 1785, près de 1600 Acadiens sont enfin partis de Nantes et Paimboeuf pour la Louisiane, embarqués dans sept navires. Ils venaient de Nantes, pour la plupart, mais aussi de Saint-Malo, Paimboeuf, Morlaix et Belle-Ile-en-Mer, contribuant tous à former en Louisiane ce qui s’est appelé par la suite le peuple cajun.

Image d’en-tête : Détail de la fresque de Robert Dafford, rue des Acadiens à Nantes, illustrant le départ des Acadiens du port de Nantes pour la Louisiane en 1785, avec, en arrière-plan, le quai de la Fosse (auteur Jibi44, licence CC BY-SA 3.0).

Jean-Marc Agator

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