Lieux de mémoire acadiens :
Stèle commémorative, promenade des Acadiens, Châtellerault.
Ferme musée de la Ligne acadienne, Archigny.
La ville de Châtellerault et son agglomération, traversées par la Vienne, affluent de la Loire, sont labellisées Pays d’art et d’histoire depuis 2012. Ce label du ministère de la Culture encourage maintenant le Châtelleraudais à sensibiliser ses habitants et visiteurs à la qualité de son patrimoine et de son architecture. Au cœur de ce patrimoine, la batellerie, savoir-faire traditionnel engendré par l’exploitation de la rivière, a connu son heure de gloire au 18e siècle, quand les nombreux trains de bateaux descendaient les marchandises jusqu’à Nantes. Au printemps 1774, ce sont pourtant des convois très particuliers qui ont accosté sur la rive gauche de la Vienne, à Châtellerault, tout près du pont Henri IV. Depuis 1999, une stèle discrète est installée à cet endroit, promenade des Acadiens, en aval du pont Henri IV, dans le prolongement du quai Alsace Lorraine. Elle rappelle que près de 1000 réfugiés acadiens ont ainsi débarqué à Châtellerault pour s’y installer, dans l’attente de rejoindre la colonie agricole qui leur était destinée. Ils n’étaient cependant pas les premiers…
Les déboires de la colonie du marquis
En 1773, le projet de colonie agricole du marquis de Pérusse des Cars, qui prévoyait de défricher et mettre en culture un domaine sur ses terres d’Archigny, au sud de Châtellerault, venait d’être accepté par le conseil du roi. Le gouvernement avait limité la colonie à 1500 Acadiens mais, confondant vitesse et précipitation, avait décidé d’accélérer le projet et de faire converger les familles vers Châtellerault. En novembre 1773, les 497 premiers Acadiens occupaient déjà des maisons vacantes réquisitionnées dans le faubourg Châteauneuf, à Châtellerault, après avoir voyagé dans des voitures depuis La Rochelle, la Loire et la Vienne n’étant pas encore navigables.
La construction des premières maisons de la colonie était pourtant à peine commencée. En mai et juin 1774, alors que ces premières maisons n’étaient toujours pas achevées, les près de 1000 autres Acadiens accostaient déjà sur les quais de la Vienne. Comment loger tous ces réfugiés, composant 362 familles secourues par le gouvernement, dans une petite ville de 9000 habitants ?
Au final, si une minorité seulement des colons a pu s’installer dans l’établissement d’Archigny, tous les autres réfugiés ont dû se résoudre à rester à Châtellerault ou se répartir dans les paroisses de la région. En réalité, si les premiers colons semblaient satisfaits de leur situation, la seconde vague des Acadiens a modifié le comportement d’ensemble de la communauté et fait échouer l’opération. Beaucoup ont prétexté à juste titre que leur solde arrivait irrégulièrement et choisi de ne pas travailler dans la colonie, certains n’ayant probablement jamais eu l’intention de s’installer dans le Poitou. Au printemps 1776, la grande majorité des Acadiens avaient définitivement quitté le Poitou, déçus de leur installation laborieuse et mécontents de n’avoir pas pu obtenir les titres de propriété et autres privilèges qui leur étaient promis. Ils s’étaient rassemblés à Nantes d’où ils ont émigré en Louisiane en 1785. Pérusse pouvait cependant s’enorgueillir d’avoir su maintenir à Archigny un petit ensemble de familles désireuses de s’intégrer dans la région, ce qui a formé la Ligne acadienne, entre Monthoiron et La Puye. Sur les 57 maisons neuves que comptait celle-ci, il ne reste aujourd’hui qu’une trentaine d’exemplaires, dont la ferme musée d’Archigny.
Image d’en-tête : Vue du Clain, affluent de la Vienne, à Cenon-sur-Vienne, dans le Châtelleraudais (artiste Henri Doucet, musées de Châtellerault, domaine public).
Jean-Marc Agator