rivage de belle-ile-en-mer

Belle-Ile-en-Mer La mémoire acadienne est bien vivante

Lieux de mémoire acadiens :

Plaque commémorative (250e), Le Palais.

Magasin de la seigneurie (logement temporaire), Le Palais.

Musée acadien de la citadelle, Le Palais.

Maisons anciennes, toutes communes.

Eglise de Locmaria.

Croix des Acadiens, Bangor.

Au sud de Quiberon, Belle-Île-en-Mer est la plus grande des îles bretonnes, au patrimoine naturel exceptionnel. Autrefois convoitée par les Hollandais et les Anglais pour sa position stratégique et surtout sa richesse en eau douce, elle a aussi conservé un remarquable patrimoine historique militaire. Sa capitale, Le Palais, est dominée par la citadelle commencée au milieu du 16e siècle et renforcée par Vauban à la fin du 17e siècle, qui constituait un solide système de défense. Mais celui-ci n’a pas empêché les Anglais de s’emparer de la citadelle en 1761, pendant la guerre de Sept Ans, en profitant de l’absence d’enceinte urbaine fortifiée. Celle-ci, pourtant envisagée par Vauban mais non réalisée faute de crédits, n’a été finalement construite qu’à partir du premier Empire. Ce n’est qu’après la signature du traité de Paris, en février 1763, que la Grande-Bretagne a restitué Belle-Île à la France, en échange de l’île de Minorque, en Méditerranée occidentale. En novembre 1765, Belle-Île accueillait 78 familles de réfugiés acadiens, pour les répartir ensuite dans 40 villages des quatre paroisses de Palais, Bangor, Locmaria et Sauzon. Le 11 juin 2016, l’île commémorait le 250e anniversaire de leur installation (plaque). L’événement était hautement symbolique et montrait avec éclat que la mémoire acadienne de l’île est bien vivante…

vue du port de palais depuis la citadelle
Vue du port de Palais depuis la Citadelle Vauban (auteur Pmau, licence CC BY-SA 4.0)

En présence d’une importante délégation canadienne, le maire de Palais et président de la communauté des quatre communes de Belle-Ile soulignait le caractère indispensable du jumelage de l’île depuis 2003 avec la ville de Pubnico (Nouvelle-Ecosse). Pubnico (anciennement Pobomcoup) est considéré comme le plus ancien village acadien, fondé en 1653, et même le plus ancien village du Canada encore occupé par les descendants de son fondateur, le baron Philippe Mius d’Entremont. Aujourd’hui, ce lien fort est précieux pour Belle-Ile qui, loin d’être une île-musée, constitue le plus grand fief acadien de France. Pour le comprendre, revenons à novembre 1765.

Une intégration plutôt réussie

croix de borthémont à bangor
Croix de Bortémont, érigée en 1802 à Bangor, là où se réunissaient les Acadiens de Belle-Île-en-Mer (photo Jean-Marc Agator)

Les 78 familles acadiennes (363 personnes) étaient toutes arrivées au port de Palais, en provenance surtout de Morlaix mais également de Saint-Malo. La plupart d’entre elles avaient été exilées et assignées à résidence jusqu’en 1763 dans les ports anglais de Southampton, Liverpool, Falmouth et Bristol. Que venaient-elles faire à Belle-Ile, cette île bretonne d’environ 5000 habitants tout juste reprise aux Anglais mais à reconstruire entièrement ? Les Etats de Bretagne avaient proposé un afféagement général de l’île, c’est-à-dire une redistribution des terres aux paysans bellilois afin qu’ils en deviennent propriétaires. Ils espéraient sans doute, en offrant aussi des terres aux Acadiens, réputés plus industrieux, opérer une saine émulation rurale. Cette expérience a-t-elle été un succès ? Si de nombreux Bellilois revendiquent aujourd’hui leur ascendance acadienne, c’est que l’intégration sociale et économique de leurs ancêtres a été plutôt réussie. Des données factuelles et numériques récemment collectées (Jean-Paul Moreau, 2014) sont très éclairantes à cet égard.

Les deux premières décennies (1765-1785) ont été marquées par deux dates clés. A partir du 1er janvier 1776, les Afféagistes ont été autorisés à vendre leurs terres et en 1785 certains Acadiens ont émigré en Louisiane. Dans cette période, le principal moteur de l’intégration sociale – le mariage – a joué massivement son rôle puisque près de 90% des mariages concernant un Acadien ou une Acadienne étaient mixtes. Après 1785, seulement 25% des familles pionnières sont restées définitivement dans l’île, 30% ont émigré en Louisiane et 45% ont quitté aussi l’île mais en restant dans les ports bretons. Certes, dans la première décennie, plusieurs départs étaient manifestement liés à des motifs économiques, mais dans la seconde, les familles partantes ont pu vendre ou affermer leurs concessions dans de bonnes conditions, parfois même à d’autres Acadiens restés sur l’île.

Image d’en-tête : Les petites mouettes, rivage sur la côte ouest de Belle-Île-en-Mer, à Port de Donnant (auteur Pymouss, huile sur toile d’Octave Penguilly L’Haridon, musée des Beaux-Arts de Rennes, licence CC BY-SA 4.0).

Jean-Marc Agator

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